Un peu de lecture: L'interview de Benoît Grelaud

dimanche 2 mars 2014

L'interview de Benoît Grelaud

Bonjour et merci d’accepter de répondre à ces quelques questions

Merci à toi de présenter ici mon univers.

Comment as-tu commencé à écrire ? Qui te lisait au début ?

Lorsque mes enfants étaient petits, je leur lisais des histoires tous les soirs. Et puis, j'ai fini par les inventer moi-même. Un jour, est apparue l'histoire d'un petit garçon, qui venait de perdre son grand-père. Les aventures du « Maître des clés » étaient nées.

L'histoire m'apparaissant originale, j'ai eu envie de la partager sur internet, pour voir quel écho elle pourrait avoir. J'ai donc créé un blog, et j'ai déposé quelques lignes, même si je ne connaissais absolument personne sur ce réseau de blogueurs. Un certain engouement est rapidement apparu, et quelques mois plus tard, au fil des nouveaux extraits que je publiais, les 100 000 visites furent dépassées.

Je recevais beaucoup de messages chaque jour, et cela devenait compliqué à gérer. J'ai alors décidé de tout arrêter.

Jusqu'au jour où, au cours d'une discussion avec des amis férus de littérature, je leur ai relaté cette expérience. C'était d'ailleurs la première fois que j'en parlais en dehors du cercle familial. Ils le lurent, puis m'encouragèrent à le faire publier.

J'ai alors fait des recherches sur internet, et j'ai très vite été découragé par les nombreux articles expliquant le parcours du combattant pour tout auteur inconnu cherchant un éditeur (on parlait de 1 publication pour 8 000 manuscrits proposés...).

J'ai donc monté le projet autour d'une auto-publication (site internet, travail avec l'imprimeur, promotion auprès des médias locaux). Les ventes démarrèrent très fort, mais j'ai tout stoppé brusquement, lorsqu'une maison d'édition (Gründ) me contacta pour signer avec eux. L'éditeur avait reçu un exemplaire deux jours auparavant, par quelqu'un de son entourage qui avait lu le livre, et il m'appela dans la foulée. J'étais sidéré : il connaissait le livre parfaitement. Preuve qu'il était pleinement entré dans mon univers. L'aventure éditoriale prenait soudain une autre ampleur.

Quel est ton genre favori ?

Je ne privilégie pas de genre littéraire particulier. Comme pour la musique, je fonctionne à l'instinct, au gré de mes humeurs, et parfois des échos circulant autour d'un ouvrage. J'aime bien également fouiner chez les libraires. J'ai découvert ainsi Amélie Nothomb, en feuilletant l'un de ses bouquins. J'ai alors enchaîné sur une dizaine de ses écrits. C'est d'ailleurs l'auteur contemporain que j'ai le plus lu. Cette année, j'ai eu un vrai coup de cœur pour « le voyage près de chez moi » de Jérôme Attal. C'est un livre plein de tendresse, de poésie. J'ai aimé la fraîcheur de ce roman.

J'ai laissé tomber pas mal de livres d'auteurs à la mode car je n'ai pas accroché, et je retourne bien souvent à mes deux auteurs préférés : Marcel Pagnol et Edmond Rostand. Deux univers complètement différents, mais qui sont dans la logique de mes envies d'écriture : tous les genres m'intéressent, et je passe avec autant de plaisir à l'écriture de contes féeriques, à celle de romans fantastiques, en passant par celle de poèmes ou de textes de chansons.

Quel est ton processus créatif ? Qu’arrive-t-il avant que tu ne t’asseyes à écrire ?

J'ai un carnet dans lequel je marque mes idées de textes. Puis, je choisis ceux qui vont être mes priorités.

Je rédige alors l'histoire sans me poser de questions. J'écris sans contraintes, en ne me fixant aucune limite. Cela me permet de faire sortir des pistes auxquelles je n'aurais pas pensé avec simplement un plan détaillé. Cela fait également surgir des erreurs que je ne ferai donc plus ensuite lors de l'écriture finale.

Ensuite, je construis un « séquencier », découpage précis de l'histoire, complété par un livret comportant les points clés du livre et les fiches des personnages.

Arrive enfin le moment de l'écriture, au cours duquel je mets de la chair sur le squelette.

À quelle personne es-tu le plus à l’aise : à la première ou à la troisième personne ?

Tout dépend de l'histoire. Je n'ai pas de préférence. Cela s'installe naturellement.

Quels écrivains admires-tu le plus ?

Sans hésitations : Marcel Pagnol, grâce à qui j'ai pris goût à la lecture, et Edmond Rostand.

Qu’est-ce qui rend crédible un personnage ? Comment crées-tu les tiens ?

J'ai une écriture très visuelle. Je peins les scènes comme si elles se déroulaient devant moi. Comme si je ne faisais que décrire ce que je vois. Les personnages font partie de ce processus où je ne contrôle rien ! Je ne créé par des personnages dans le but de les insérer à l'histoire. Ils apparaissent eux-même au fil de la plume.

Au plus profond de ta motivation, pour qui écris-tu ?

De manière très égoïste, pour moi tout d'abord ! J'en ai besoin. C'est comme une libération.

Pour les lecteurs ensuite. Ça fait très convenu, au premier abord, mais pourtant c'est la réalité. Je reçois beaucoup de messages de gens qui me disent être touchés par ce que j'écris. Des gens qui attendent impatiemment de nouveaux textes. Je fais donc au mieux pour qu'ils soient à nouveau surpris et heureux de lire mes livres. Je me souviens par exemple d'une dédicace pour le tome 2 du « Maître des clés ». Un monsieur de 80 ans s'est approché, le livre à la main, et m'a dit avoir lu avec beaucoup d'émotion le premier tome. Il s'est alors mis à pleurer. Cela m'a beaucoup touché. Et, en même temps, pas vraiment surpris. Ce livre, qui est à la base un livre jeunesse, est assurément un conte multi-générationnel. Il s'adresse à tous les âges, et j'en étais persuadé dès le début de cette aventure. Ce fût d'ailleurs une grande discussion avec l'éditeur lors de la signature du contrat. Je ne comprenais pas pourquoi on classait ce livre en «jeunesse », car je ne voulais pas que cela empêche les adultes de le lire. Je me trompais... Les adultes n'hésitent finalement pas à « piquer » le livre à leurs enfants, ou à directement se l'acheter pour eux-mêmes. Je reçois d'ailleurs beaucoup de messages d'adultes, et c'est très réconfortant, à notre époque, de se dire que nombreux sont ceux qui ont su conserver leur âme d'enfant.

Les avis (négatifs ou positifs) des lecteurs te servent-ils ?

Depuis le début, j'ai une équipe de primo-lecteurs issue de mon entourage proche (famille et amis). Il y a tous les âges, et toutes les sensibilités littéraires. Ils sont, sans exception, très conscients de leur rôle et, même si c'est avec bienveillance, ils n'hésitent surtout pas à me dire lorsqu'ils n'accrochent pas avec un passage ou un chapitre.

Lorsque j'écris, il y a deux étapes. Une première à l'issue de laquelle chacun va donner son avis, puis une deuxième où je n'écoute plus personne. J'ai alors fait mes choix, et je n'échange plus qu'avec l'éditeur.

Une fois le livre publié, lorsque je reçois des messages enthousiastes, j'en suis évidemment très heureux. Cela montre que l'engagement, malgré les difficultés qui entourent l'écriture, n'a pas été vain.

Partages-tu tes projets d’écriture avec une personne de confiance afin d’avoir son opinion ?

Systématiquement avec ma femme en ce qui concerne les choix de projets, de promo et d'organisation. Elle est de très bon conseil et apporte une vision complémentaire à la mienne, mettant parfois le doigt sur des éléments que je n'avais pas perçus.

J'en parle également avec mes enfants. Mon travail d'écriture est intégré à la vie de la famille. Non pas comme quelque chose d'extraordinaire, mais comme une passion au même titre que celles de chacun d'entre nous.

Ils font partie de l'équipe de primo-lecteurs, et je suis très à l'écoute de leur ressenti. Ma femme, qui lit beaucoup, a notamment un œil très affûté et impitoyable. Je lui ai d'ailleurs dit qu'elle ferait une excellente lectrice dans un comité de lecture !

T’imposes-tu une discipline, en termes de calendrier, d’objectifs etc. ?

C'est inévitable. Il y a des incontournables : les périodes de remise des manuscrits à l'éditeur, les salons où je suis invité.

Puis, les choix : nouveaux projets à mener en parallèle de ceux qui sont signés, rencontres en médiathèques ou écoles. J'en fais d'ailleurs assez peu, afin de me concentrer sur l'écriture et préserver l'équilibre familial et professionnel. Car, comme la plupart des auteurs, j'ai inévitablement un autre métier. J'ai lu que 95% des livres se vendent à moins de 1 000 exemplaires... Avec des droits d'auteur qui oscillent entre 5 et 8% pour la majorité des cas...

En tous cas, j'écris sans calcul, uniquement à l'envie. Je n'hésite donc pas à partir sur d'autres genres littéraires si j'en ressens le besoin.

De quoi t’entoures-tu quand tu écris pour favoriser ta concentration ?

De lutins et de Fées !

Écris-tu sur écran, imprimes-tu souvent, corriges-tu sur papier...? Quel processus suis-tu ?

Je commence par écrire à la main. Puis, j'enregistre sur le PC.

Ensuite, ce sera un ballet incessant entre le papier, sur lequel je fais mes corrections, et l'ordinateur. J'ai besoin du stylo. Je n'ai de recul que par rapport au support manuscrit.

Quelle a été ton expérience avec les maisons d’édition ?

Limitée ! J'ai signé très rapidement chez Gründ. Qui continue de me faire confiance au travers des aventures du Maître des Clés. D'une trilogie, initialement prévue, nous passons à une série, avec la commande de deux nouveaux tomes qui viendront compléter la collection.

Ceci étant dit, au regard de mes envies d'écriture s'engageant dans d'autres genres littéraires, je commence à être amené à rechercher de nouveaux éditeurs dont la ligne correspond aux projets. De nouvelles aventures en perspective !

Sur quel projet travailles-tu en ce moment ?

Tout d'abord les tomes 4 et 5 du Maître des clés, prévus pour mai et août 2014.

Un roman d'anticipation qui est terminé, et qui se trouve actuellement chez plusieurs éditeurs.

Un roman qui sera préfacé par Odile Hervé-Bazin, et qui transpire la poésie.

Des chansons pour plusieurs artistes, notamment pop/rock.

Et tant d'autres choses à écrire ! Mais, je manque cruellement de temps.

Le dernier mot est pour toi…